Relations start-up/grands groupes : le rapport au temps fait la différence

Start-up et grands groupes fonctionnent avec des processus et un rapport au temps très différents, ce qui complique parfois la collaboration. Mais, globalement, les relations s’améliorent. Les résultats du baromètre 2017 de la relation start-up/grands groupes, publiés par Le Village by CA et Bluenove, traduisent une amélioration des relations entre les deux mondes. Notamment sur le terrain de la propriété intellectuelle et de la communication.

Mais il subsiste quelques points de progression concernant les délais, les objectifs et l’équilibre de la relation. Le baromètre 2017 révèle une amélioration sensible des rapports entre les deux univers que sont les grands groupes et les start-up. Par exemple, alors que la prédation et le non-respect de la propriété intellectuelle font souvent partie des craintes exprimées par les start-up, le baromètre montre qu’il ne s’agit plus vraiment d’un sujet d’inquiétude : 78 % des start-up interrogées trouvent que la confidentialité a été plutôt « respectée ou très respectée » dans le cadre de leur collaboration avec des grands groupes. Ce chiffre monte même à 91 % pour les représentants de grands groupes. Les grands groupes et les start-up s’accordent aussi à dire que la bienveillance de leurs partenaires respectifs s’est améliorée par rapport à l’année dernière.

Des relations plus équilibrées

Néanmoins, l’étude met en évidence que des différences de perception subsistent encore. Ainsi, 85 % des grands groupes considèrent que la communication est « très facile à facile », 60 % des représentants des grands groupes trouvent que le délai d’exécution est « plutôt rapide ou très rapide ». De même, 83 % des grands groupes estiment que les objectifs de collaboration sont « plutôt clairs ou très clairs » ; et 85 % pensent que la relation avec les start-up est « plutôt équilibrée à très équilibrée. »

Mais du côté des start-up, les efforts fournis par les grands groupes ne sont pas encore totalement bien perçus : ainsi, 84 % des start-up affirment que le délai d’exécution par les grands groupes est « lent ou très lent » et 44 % estiment que les objectifs des grands groupes sont « peu clairs ou pas du tout clairs ». Globalement, plus d’une start-up sur deux (55 %) considère que sa relation avec les grands groupes est « peu équilibrée ou pas du tout équilibrée ».

Les deux points sur lesquels grands groupes et start-up se rejoignent sont la bienveillance et la qualité de la communication. En termes de communication, 85 % des grands groupes et 63 % des start-up la trouvent « très facile à facile ». Les grands groupes et les start-up s’accordent à dire que la bienveillance de leurs partenaires respectifs s’est améliorée par rapport à l’année dernière : ils sont 91 % à le penser côté grands groupes et plus de 80 % côté start-up. C’est l’item sur lequel l’écart de perception est le plus réduit.

Cette bienveillance mutuelle pourrait notamment s’expliquer par la multiplication des structures d’accompagnement et initiatives permettant d’ouvrir plus facilement le dialogue entre start-up et grands groupes, ainsi que par la prise de conscience des grandes entreprises de collaborer avec des start-up sans nécessairement les absorber.

« Il y a quelques années, rencontrer les grands groupes quand on était une start-up s’apparentait à candidater à l’Ecole des fans », se souvient Jean-Marc Lazard, CEO d’OpenDatasoft, entreprise spécialisée dans la valorisation des données métier. « Actuellement cela commence à changer, les entreprises ont mûri. Quand on créée une start-up, le but n’est pas de rester dans un coin à optimiser quelque chose pour la grande entreprise, on a aussi envie de grandir.» Un point de vue partagé par Gilles Cocheveou, Chief Digital Officer de Total : « Les start-up apportent des idées et, pour notre part, nous fournissons notre capacité d’industrialisation. »

« Dans la logique d’une start-up, c’est l’accélération de la croissance qui compte, on ne peut pas se contenter d’un simple partenariat fournisseur », poursuit Jean-Marc Lazard. Dans cette optique, il est intéressant, pour une start-up, d’identifier des grands groupes qui lui permettent rapidement de travailler à leur vraie échelle. « Avec les entreprises américaines, les projets sont d’emblée à l’échelle mondiale », observe Jean-Marc Lazard, tandis que Christophe Brun, CEO de Betterise (start-up dans la santé), déplore une certaine réticence des entreprises françaises à voir les choses en grand : « Tout le monde veut faire des POC, la France est un pays d’expérimentation ! »

Combattre l’immobilisme des grands groupes

Jean-Marc Lazard souligne également ce qui devrait être une évidence : « Les bonnes collaborations entre grands groupes et start-up surviennent lorsque le grand groupe arrive avec un besoin. Il ne faut pas attendre que la start-up trouve le problème.» Christophe Brun renchérit : « Nous passons nos journées à essayer de réveiller nos clients : parfois nous nous retrouvons face à des mastodontes, qui nous poussent dans un espace-temps qui n’est pas le nôtre… Souvent, on me dit « c’est bien ton truc, mais chez nous c’est compliqué »… » Cet immobilisme joue contre les start-up, qui n’évoluent pas au même rythme que leurs partenaires : l’accélération des processus de décision est donc la clé pour éviter de tuer dans l’œuf les jeunes pousses qui cherchent à grandir.

Et du côté des grands groupes ? Pour Emmanuelle Saudeau Turlotte, directrice Digital, Marketing, Relation Client et Communication de AG2R La Mondiale, et ex-CDO de la SNCF, si l’on souhaite apporter de l’agilité en travaillant avec des start-up, il importe, tout d’abord, de savoir précisément dans quelle direction l’entreprise souhaite aller. En effet, l’enjeu ne se traite pas de la même manière selon les cas : s’il s’agit d’aller sur de nouveaux business modèles, comme la location de voitures entre particuliers (OuiCar), il faut garder les entreprises émergentes très protégées des grands groupes, pour ne pas les étouffer ; tandis que s’il s’agit d’optimiser le business modèle interne (développement de services additionnels, amélioration de la qualité de service grâce à des projets IoT…), il est préférable de mettre en place des coopérations renforcées, autour de cas très concrets.

Pour sa part, Anne-Laure Navéos, directrice Croissance Externe, Partenariats et Ecosystème de Digital Arkea, estime qu’« une des clés du succès dans la coopération entre grands groupes et start-up, c’est de ne pas se trasnformer en un éléphant dans un magasin de porcelaine : il faut créer un espace où la start-up peut grandir. »

Pour sa part, François Gonczi, directeur du numérique chez EDF Commerce, a choisi de soutenir la création de spin-off, avec des start-up internes. « Il y a, avec le digital, des incertitudes stratégiques : on ne sait pas quels seront les succès commerciaux de demain et on peut très vite perdre des parts de marché. Cette incertitude est incompatible avec les missions quotidiennes d’une entreprise comme la nôtre. Nous avons choisi de la contourner à travers la création de spin-off, afin d’expérimenter de nouvelles approches. L’une de nos spin-off a ainsi fait évoluer plusieurs fois son modèle : au départ, elle avait une orientation très technologique, centrée sur la construction de bornes électriques et la location de batteries. Aujourd’hui ce domaine est très mature, il n’y a plus beaucoup d’innovation. Celle-ci s’est déplacée sur les vecteurs de paiement : avoir de petits spin-off nous a permis de nous réorienter vers ce domaine. Ce type de pivot est complexe à mettre en œuvre en interne, car cela met en danger un manager, parfois une équipe. »