Réussir la transformation numérique de l’entreprise

A l’heure du Web 2.0, des réseaux sociaux et des exigences de la génération Y, l’entreprise doit renouveler son organisation. Mais les directions générales manquent encore de recul. Explications de Philippe Colin, auteur d’un ouvrage sur la transformation numérique de l’entreprise.

Vous publiez un ouvrage sur la transforma­tion numérique des entreprises. Quel est votre constat ?

Philippe Colin Dans un contexte économique incertain, les entreprises sont en permanence à l’écoute de nouvelles solutions pour identifier des leviers capables d’améliorer leurs performances. Le développement du Web 2.0 a remodelé les systèmes d’information. à travers de nouveaux usages, les clients reprennent le pouvoir et l’entreprise se transforme progressivement. Dans ce contexte, le message à destination des managers est le suivant : « Pour transformer votre entreprise, vous devrez d’abord vous transformer ! »

Pour se transformer, quels principes les managers doivent-ils adopter ?

Philippe Colin Pour changer, ils doivent d’abord changer leur regard sur les technologies de l’information et les médias sociaux. Imaginez : que penseriez-vous de l’enfant qui refuse de manger ce bon gâteau alors qu’il ne l’a jamais gouté ? C’est certainement ce que l’on ressent lorsque l’on constate l’incroyable retard et le rejet que les directions générales des entreprises françaises montrent à l’égard de ces phénomènes incontournables que sont le Web 2.0, l’intelligence collective ou les réseaux sociaux d’entreprise.

Contrairement aux idées reçues, le retard des entreprises françaises dans ce domaine est significatif. Ainsi, j’ai toujours été frappé par le fossé qui sépare, d’un côté, les entreprises les plus avancées dans leur processus de transformation numérique de celles qui en sont encore au balbutiement. Certaines entreprises font la course en tête, sans doute favorisées par la nature même de leurs activités et leurs collaborateurs technophiles. Je pense notamment aux domaines des technologies, des télécoms ou encore des produits qui se prêtent à la dématérialisation par exemple.

Á travers les missions et projets que j’ai dirigés avec mes équipes, j’ai été frappé par ce décalage et, de fait, j’ai voulu, dans cet ouvrage, montrer de nombreux exemples d’échecs et de succès de projets mis en œuvre par de vraies entreprises et pour de vrais clients.

Comment votre ouvrage est-il organisé ?

Philippe Colin Les chapitres du livre sont structurés en trois parties. à travers une histoire romancée, le lecteur va suivre les aventures d’une entreprise, de ses différents responsables et de son président vers la transformation numérique. à travers les crises, les doutes, les luttes de pouvoir, ce premier volet fait appel à notre imaginaire et souvent à nos souvenirs de situations vécues. Ensuite, les conseils de l’expert précisent les bonnes pratiques à adopter pour chacune des phases clés. Enfin, le troisième volet, intitulé « ce qu’il faut retenir », permet au livre de rester actualisé en permanence car il est couplé avec un site Web dédié.

Cette transformation numérique est-elle vraiment incontournable ?

Philippe Colin L’entreprise n’a pas le choix, car elle est soumise à trois types de pressions différentes. D’abord, une pression interne liée à l’arrivée de la génération Y dans le monde du travail ; ensuite, une pression des clients qui ont acquis un fort pouvoir et, enfin, une pression du marché induite par l’avance de concurrents plus agiles…

Et si combler son retard consistait simplement à s’équiper en masse de nouveaux outils ?

Philippe Colin  Ce serait trop simple ! Faudra-t-il, une fois de plus, rappeler le chemin à parcourir entre le fait de s’équiper d’outils et leur appropriation par les utilisateurs ? Combien de sites Web sont-ils à l’état d’abandon après leur création ? Combien d’intranets sont-ils mourants ? Combien de réseaux sociaux d’entreprise n’ont-ils jamais réussi à décoller ? Peut-on sérieusement penser que, dans une entreprise, travailler en mode collaboratif soit une démarche spontanée ? De même, peut-on croire que la gestion des connaissances se limite à installer une solution de Knowledge Management ? J’ai rencontré un très grand nombre de managers qui se plaignent d’une incompréhension et d’un manque de vision de leurs dirigeants face à ces mutations profondes. Certains parlent même d’une totale incompétence.

Comment une entreprise peut-elle alors réussir sa transformation numérique ?

Philippe Colin Face aux nouveaux usages, je considère que la clé de voûte réside dans l’accompagnement du changement. La trans­formation est une alchimie complexe et le livre montre bien les différentes étapes de ce lent processus. J’ai défini sept clés incontournables, à partir desquelles on peut décrire les domaines impactés : le dialogue entre les parties prenantes, les aspects commerciaux, l’innovation ouverte (Open Innovation), la relation client, la e-réputation, « l’Empowerment » et la gestion des connaissances. Combien de dirigeants sont-ils réellement conscients des dysfonctionnements de ces services ? Je suis persuadé que cette transformation implique avant tout un sponsoring très fort de la direction générale et du management. Mais rien ne sert d’aller trop vite, car chaque entreprise possède sa propre culture, son histoire et son rythme.

Je formule donc le vœu qu’un nombre croissant de dirigeants réussissent prochainement une transformation significative dans l’un des sept domaines clés qui sont abordés. Et je souhaite simplement que le rejet systématique cède progressivement sa place à un doute créatif. J’aimerais entendre ces quelques mots : « Et si nous essayions ? »…

(*) La transformation numérique, les sept clés pour changer votre l’entreprise, par Philippe Colin, Editions Kawa, 126 pages, 2012. www.transformation-numerique.fr