Xerfi a publié une étude consacrée aux marchés du conseil en RSE. « Les cabinets de conseil se frottent les mains. Ils font en effet leur miel de la multiplication des obligations réglementaires de plus en plus contraignantes pour les entreprises, d’une prise de conscience des enjeux RSE par les comités de direction ou encore des difficultés à recruter dans les métiers du développement durable », souligne Flavien Vottero, auteur de l’étude.
Après la transformation digitale, RSE et développement durable sont désormais le nouvel eldorado des acteurs du conseil. Et ils ne ménagent pas leur peine pour sensibiliser les dirigeants à la nécessité de mettre en place des politiques de développement durables ambitieuses.
Historiquement réservées aux multinationales du CAC 40, les prestations de conseil en développement durable visent désormais les PME contraintes par les grands groupes de quantifier leurs émissions de CO2 mais aussi à mettre en place des stratégies de décarbonation. Les cabinets peuvent également aider les collectivités locales à aligner leurs budgets avec les principes de durabilité.
Dans ces conditions, les prestataires élargissent leur offre et étoffent leurs équipes pour capter et fidéliser ces nouveaux clients. Cette nouvelle donne devrait permettre au marché du conseil en développement durable de bondir de 18% en 2024 puis de 14% par an en moyenne jusqu’en 2026, d’après les calculs des experts de Xerfi.
La directive sur le reporting de durabilité des entreprises (Corporate Sustainability Reporting Directive ou CSRD) contraint en effet aujourd’hui plus de 50 000 entreprises européennes à fournir des informations précises sur leur impact écologique et environnemental. À terme, 8 000 entreprises tricolores devront publier chaque année un rapport de durabilité.
De quoi dynamiser le potentiel du reporting ESG à plusieurs niveaux et doper les revenus de toute la galaxie d’opérateurs intervenant plus ou moins directement dans la réalisation des rapports extra-financiers. Toutefois, les cabinets vont devoir se diversifier pour réduire leur dépendance à la directive CSRD qui peut représenter jusqu’à 80% de l’activité de certains cabinets.
Au-delà de leur aide pour permettre aux entreprises d’atteindre une conformité de base, les cabinets de conseil peuvent envisager d’apporter leur concours en matière de biodiversité et gestion de l’eau, de l’avis des experts de Xerfi.
De nombreux industriels sont en effet confrontés à des problématiques de stress hydrique qui menacent leur activité. Le cabinet Roland Berger a ainsi finalisé en mars 2024 l’acquisition d’Amane Advisors, société de conseil stratégique spécialisée dans l’eau, la valorisation des ressources et de l’énergie, pour se construire une position de leader dans le conseil en eau.
Dans le même temps, la protection de la faune et de la flore sont au centre des stratégies de développement durable des entreprises les plus avancées en matière de RSE.
La rentabilité des missions dans la RSE s’est jusqu’ici révélée réduite et incertaine pour les cabinets historiques. Ils vont donc devoir industrialiser les process, massifier les missions et capitaliser sur les retours d’expériences pour gagner en productivité. Pour rassurer les clients, les professionnels du consulting devront éprouver leurs méthodologies et leurs référentiels.
C’est le sens des offres dédiées avec une marque forte et identifiable. A titre d’exemple, le cabinet ERM a lancé ERM Fusion, une plateforme de notation du risque RSE à destination des investisseurs et gestionnaires privés.
Proposer des solutions d’évaluation environnementale des budgets (EEB) des collectivités locales est une autre piste à creuser. Obligation depuis la loi de finances 2024, l’EEB est un exercice technique de reporting. Mais c’est surtout une porte d’entrée pour mener une démarche globale de transformation des collectivités et aligner les finances publiques sur les objectifs environnementaux. Le potentiel de business est donc important même s’il devrait d’abord se concentrer sur les régions, les départements et les grandes agglomérations.
Gagner en productivité grâce à la digitalisation
Pour relever le défi des reporting extra-financiers, la mise en place d’API (interfaces de programmation) qui connectent les systèmes internes (ERP, CRM et plateformes de gestion des données extra-financières) est une solution pour automatiser la collecte et la centralisation de ces données. FoodPilot, par exemple, a développé une solution « tout-en-un » qui permet aux entreprises de l’agroalimentaire de simplifier la collecte des données environnementales et sociales grâce à des API, réduisant ainsi la charge administrative.
Pour accompagner leurs clients dans la durée, certains prestataires commercialisent des outils logiciels clés en mains, à l’instar de McKinsey qui en propose plus de 85 moyennant un abonnement. Ces solutions, qui signent l’expertise technique du cabinet, sont un critère clé dans le choix du professionnel du consulting. A tel point que certains cabinets ont mis en place des partenariats avec des éditeurs de logiciels ou font l’acquisition de spécialistes.
La concurrence fait rage
Plusieurs types de cabinet se disputent les prestations d’accompagnement en matière de RSE. Né en France dans les années 1980, le marché du conseil en développement durable a d’abord été l’apanage de cabinets indépendants comme Utopies.
Puis, avec l’engouement des entreprises autour des questions climatiques et énergétiques, une seconde vague de spécialistes s’est développée dans les années 2000 comme Quantis ou Eco Act. Et depuis 2020, les problématiques de décarbonation ont incité les majors du conseil stratégique à se diversifier dans ce domaine.
C’est ainsi que Bain ou le BCG s’imposent aujourd’hui comme des acteurs clés du marché de la RSE. Des cabinets de taille intermédiaire (Sia Partners ou Europgroup) y voient également un important relais de croissance.
Pour leur part, des éditeurs de logiciels ont développé des outils pour permettre aux organisations de mesurer leur empreinte carbone. Et la concurrence pourrait encore monter d’un cran alors que les experts de Xerfi ont recensé plus de 300 acteurs dans le domaine de la responsabilité environnementale. Des cabinets indépendants, des opérateurs publics et para-publics sont en effet sur les rangs. De quoi peser sur les tarifs des prestations.