Secteur du numérique : le retour de la croissance en 2021 et 2022

« L’année 2021 a été celle du retour à la croissance après une année 2020 marquée par la résilience », résume Godefroy de Bentzmann, coprésident de Numeum, né de la fusion de Syntec Numérique et de Tech In France. Le syndicat professionnel anticipe un taux de croissance de 6,3 % en 2021, après une baisse de chiffre d’affaires de 4,6% enregistrée entre 2019 et 2020 pour le secteur du numérique. Alors qu’en juillet dernier, la croissance du secteur du numérique pour l’année en cours était prévue à + 4,8 %, les estimations sont nettement revues à la hausse.

Pour 2022, il est anticipé une croissance encore supérieure, à 7,3 %. En 2021, la progression la plus forte s’enregistre pour les éditeurs et plateformes cloud (+ 9,5 %), devant les activités d’ingénierie et conseil en technologies (+ 5,9 %) et les ESN (+ 4,4 %).

Pour Numeum, la croissance du secteur numérique reste largement portée par le cloud et sa mise en place dans de nombreuses entreprises. La dynamique actuelle de l’économie française la renforce avec la relance ou la création de projets d’investissements dans le numérique plus importants que prévu initialement pour l’année 2021. Les entreprises françaises se portent mieux, ce qui leur permet de continuer ou de démarrer leur transformation digitale, d’automatiser leurs processus métiers et de renforcer la sécurité de leurs systèmes d’information. Selon l’enquête réalisée par PAC-Teknowlogy pour Numeum, auprès de 100 DSI, le retour de la croissance s’explique notamment par des budgets IT en hausse pour 38 % des DSI en 2021. Cette croissance se poursuivra en 2022 avec 48 % des DSI prévoyant une hausse de leur budget IT. Seuls 10 % des DSI les ont réduit en 2021 et 4 % seulement prévoient une baisse en 2022.

Cette croissance des budgets IT permet également de recalibrer les objectifs des DSI : sécurité, expérience client, data, Workplace et optimisation des processus internes restent leurs enjeux primordiaux. Si la migration cloud était, lors du premier semestre 2021, l’urgence des DSI, l’amélioration de la sécurisation du SI arrive aujourd’hui en première position, suivie de près par l’amélioration de l’expérience client. 67 % des DSI utilisent déjà le cloud. L’organisation professionnelle identifie cinq tendances qui continuent de dynamiser grandement le secteur du numérique :

  •  La transformation digitale (+ 10,8 % de croissance en 2021, soit 6,9 milliards d’euros), portée par l’expérience client, le e-commerce, la dématérialisation…
  • Le cloud, le conseil et l’intégration des systèmes (+ 28,1 % de croissance en 2021, soit 12,2 milliards d’euros), avec les clouds verticalisés, la collaboration globalisée, la généralisation des approches containers, la modernisation et la transformation des applications et des infrastructures.
  • Le Big Data (+ 23,4 % de croissance en 2021, soit 1,9 milliard d’euros), grâce à la collecte et l’usage de la donnée pour faire évoluer les business models et développer de nouveaux services.
  • L’IoT (+ 21,6 % de croissance en 2021, soit 8,7 milliards d’euros), lié au développement de nouvelles solutions avec la 5G et l’edge computing…
  • La sécurité (+ 9,2 % de croissance en 2021, soit 2,7 milliards d’euros), avec une reprise des investissements et de l’externalisation, pour parer à la recrudescence des risques, des attaques.
Les dix domaines d’investissements privilégiés par les DSI français en 2022
Domaines d’investissements % de DSI
Améliorer la sécurisation du SI 51 %
Améliorer l’expérience client 48 %
Optimiser l’usage des données 43 %
Déployer les Digital Workplaces 38 %
Optimiser les processus internes 38 %
Migrer vers le cloud 34 %
Développer l’usage de l’IoT 33 %
De nouveaux modèles économiques 32 %
RSE/décarbonation 29 %
Optimiser le budget IT 28 %
Source : PAC-Teknowlogy Group, Numeum.

De son côté, Gartner explique qu’après une stagnation en 2020, les budgets IT dans les entreprises européennes ont affiché une croissance de 6,3 % en 2021 et il est prévu + 4,7 % en 2022. Elle sera plus affirmée pour les logiciels d’entreprise et les services que pour les terminaux.

Les dépenses IT dans les entreprises européennes
Segments 2020 2021 2022
Montants Évolution Montants Évolution Montants Évolution
Datacenters 36,2 – 5,8 % 38,9 + 2,2 % 40,6 + 3,6 %
Logiciels 138,6 + 6,7% 161,5 + 9,7 % 178,2 + 10,0 %
Terminaux 173,6 – 3,5 % 206,4 + 13,7 % 207,9 + 0,7 %
Services 311,6 – 1,0 % 357,5 + 7,8 % 388,5 + 8,2 %
Communications 433,6 + 0,9 % 455,7 + 1,5 % 464,9 + 2,0 %
Ensemble 1093,7 + 0,07 % 1220,0 + 6,3 % 1280,1 + 4,7 %
Montants en milliards de dollars.
Source : Gartner Forecasts IT Spending in EMEA to Grow 4.7% in 2022.
Lien : www.gartner.com/en/newsroom/press-releases/2021-11-11-gartner-forecasts-it-spending-in-emea-to-grow-4-7-percent-in-2022

Même optimisme de la part du cabinet Forrester : en France, les entreprises dépenseront 176 milliards d’euros en technologie (à comparer à 163,6 milliards en Allemagne et 227 milliards au Royaume-Uni) dans des segments tels que les logiciels et les services informatiques ainsi que le conseil en technologies et l’intégration de systèmes. Cela représente une augmentation de 5,5 % par rapport à 2021.

L’un des piliers des investissements réside dans le cloud. Une étude de Markess pour T-Systems montre que 97% des organisations interrogées utilisent des datacenters privés (locaux ou dédiés) et que 92% d’entre elles conjuguent déjà ces solutions à des cloud publics ou le prévoient d’ici 2 ans. « Pour nombre d’entre elles, l’utilisation des ressources disponibles dans le cloud est encore faible et dictée par une volonté de baisse des coûts. Mais aujourd’hui, les entreprises sont parfaitement conscientes que les nouveaux modèles opérationnels issus du cloud permettent de supporter les évolutions constantes auxquelles elles devront faire face, » explique Ronan Mevel, Ddirecteur général de Markess Exaegis.

Avec le cloud hybride, il s’agit, avant tout, pour les entreprises, de gagner en compétitivité et en efficacité, de réduire les coûts informatiques, de simplifier les infrastructures et de renforcer la présence sur le marché. « Le multi-cloud reste la bonne approche et correspond aux besoins de la plupart des entreprises, en termes d’élasticité, d’engagements de service, de sécurité », assure Jean-Paul Alibert, président de T-Systems France.

Mais si évoluer vers le cloud, c’est emprunter le chemin vers les infrastructures numériques nécessaires aux futurs développements des organisations. C’est aussi introduire de la complexité dans la gestion d’environnements devenus multiples. En effet, la difficulté de gestion du cloud hybride est perçue par les intéressés comme complexe pour plus de la moitié d’entre eux (53 %). Le quart la perçoit comme très complexe et seulement 21% des interrogés considèrent cette gestion comme peu ou pas complexe. Parmi les freins les plus courants cités par les entreprises : la sécurité et la conformité, la complexité opérationnelle et les difficultés de supervision, la performance des réseaux, la visibilité et prédictibilité des coûts, ainsi que la gestion des différents contrats de service. « Vouloir tout faire soi-même est devenu très difficile parce qu’il faut maîtriser à la fois les spécificités du cloud, les aspects opérationnels, la complexité et la cybersécurité, surtout dans un contexte de pénuries de compétences dans lequel même les entreprises et les fournisseurs les plus attractifs peinent à recruter », résume Jean-Paul Alibert.

Maturité numérique : la France tout juste dans la moyenne

La Commission européenne a publié les données fournies par l’indice relatif à l’économie et à la société numériques (DESI) pour 2021, qui mesure les progrès accomplis par les États membres de l’UE en matière de compétitivité numérique dans les domaines du capital humain, de la connectivité à haut débit, de l’intégration des technologies numériques par les entreprises et des services publics numériques. Selon l’étude « tous les États membres de l’UE ont progressé en matière de numérisation, mais les situations individuelles sont contrastées et, malgré une certaine convergence, l’écart entre les pays les plus avancés de l’UE et ceux ayant obtenu les scores les plus faibles dans le DESI reste important. »

Globalement, en matière de maturité numérique, la France se situe légèrement en dessous de la moyenne européenne, à la 15ème place (sur 27) loin derrière les pays nordiques. En ce qui concerne les compétences numériques, 56 % de la population européenne possèdent au moins les compétences de base. Les données font ressortir une légère augmentation du nombre de spécialistes des technologies de l’information et de la communication dans la population active : en 2020, l’UE comptait 8.4 millions de spécialistes des TIC, contre 7.8 millions l’année précédente. Étant donné que 55 % des entreprises ont fait état de difficultés à recruter des spécialistes des TIC en 2020, ce manque de personnel disposant de compétences numériques avancées contribue aussi à la lenteur de la transformation numérique des entreprises dans de nombreux pays. En ce qui concerne l’intégration des technologies numériques, l’utilisation du cloud a fortement augmenté (dans 26 % des entreprises en 2020 contre 16 % en 2018). « Les grandes entreprises européennes continuent de montrer la voie dans l’utilisation des technologies numériques », soulignent les auteurs de l’étude.