Que se passe-t-il lorsque l’on augmente le budget dédié à un projet ou à système d’information ? Aucune théorie scientifique n’a mis en équation la relation budget-création de valeur. En principe, les deux éléments devraient suivre la même tendance. Mais ce n’est pas toujours le cas.
On peut ainsi distinguer six cas de figure pour illustrer les différentes relations entre l’évolution d’un budget et celle de la création de valeur : « rythme de croisière », « éphémère », « optimiste », balancier », « science-fiction », « engrenage ».
1. Le modèle « rythme de croisière »
Lorsque tout se passe pour le mieux, c’est ce modèle qui s’applique : avec l’augmentation du budget, la valeur croît assez vite, puis se stabilise avant de fléchir, par exemple lorsque les technologies mises en œuvre arrivent en fin de vie ou que les fonctionnalités se trouvent en décalage par rapport à l’évolution des besoins. C’est un modèle classique de maturité, avec un cycle de vie des projets dépendant de la qualité des équipes, des méthodologies, de l’analyse des besoins, des caractéristiques des fonctionnalités. Ce modèle se retrouve dans l’évolution des technologies, ou même de n’importe quel produit, avec quatre phases : lancement, croissance, maturité et déclin.
| Avantage | Tranquillité pour les DSI et les chefs de projet |
| Inconvénient | Risque de manque de vigilance sur les facteurs susceptibles de faire basculer un projet dans l’échec ou le chaos |
| Phrase-clé des équipes projet | « Célébrons notre victoire… » |
| Recommandation pour créer plus de valeur | Prolonger au maximum les phases de croissance et de maturité en appliquant très en amont les bonnes pratiques et méthodologies de gestion de projet |
2. Le modèle « éphémère »
Dans ce cas de figure, la création de valeur décrit un pic plus ou moins élevé. Cela s’explique par le fait qu’au début d’un projet, les équipes de la DSI et les utilisateurs sont très enthousiastes face à une rupture très nette par rapport à la situation précédant la mise en œuvre d’un nouveau système d’information ou d’une application. La création de valeur que l’on observe alors résulte souvent d’un sous-investissement par le passé : toute modernisation, même minime, tend à augmenter la valeur créée par le nouveau système. Hélas, surtout si les processus n’ont pas été reconfigurés ou que l’organisation a conservé ses pesanteurs, les espoirs font place aux désillusions.
| Avantages | Permet de capitaliser sur l’enthousiasme initial pour rebondir |
| Inconvénient | Nécessite du temps pour reconfigurer les processus et adapter l’organisation |
| Phrase-clé des équipes projet | » Nous ferons mieux la prochaine fois « |
| Recommandation pour créer plus de valeur | éviter de moderniser une application dans l’urgence, cela conduit à faire des arbitrages pas toujours judicieux |
3. Le modèle « optimiste »
Dans ce modèle, devant l’absence de création de valeur, le principe consiste à ajouter des ingrédients (ressources humaines, financières, briques technologiques…) au projet ou au système d’information, donc à dépenser plus jusqu’à ce que la courbe de la valeur décolle. Ainsi, à force d’empiler des technologies, l’une d’elles finira peut-être par porter ses fruits ! Mais, souvent, ce n’est pas le cas, car les objectifs de départ ou les besoins n’ont pas été correctement cernés et la création de valeur, si elle est au rendez-vous, se concrétise à long terme.
| Avantage | Oblige à se poser des questions sur les causes de non-création de valeur |
| Inconvénient | Très coûteux |
| Phrase-clé des équipes projet | » Essayons encore une fois « |
| Recommandation pour créer plus de valeur | Renoncer à la solution de facilité d’ajouter des ressources sans s’interroger sur l’optimisation des ressources existantes |
4. Le modèle « du balancier »
Au départ, la création de valeur est très nette, puis elle s’effondre et l’on suppute que la courbe remontera parce que le creux peut-être dû à des facteurs conjoncturels ou ponctuels qui, une fois leurs effets éliminés, provoqueront le sursaut tant attendu dans la création de valeur. Il peut également survenir si le sponsor du projet change ou s’implique davantage. Mais, là encore, il n’y a aucune assurance que les résultats soient au rendez-vous.
| Avantage | Mettre en évidence les éventuelles responsabilités du sponsor et/ou des métiers |
| Inconvénient | Le retour de la création de valeur reste hypothétique, surtout si les facteurs conjoncturels deviennent structurels |
| Phrase-clé des équipes projet | » L’environnement ne nous a vraiment pas été favorable « |
| Recommandation pour créer plus de valeur | Identifier les facteurs perturbateurs et les éliminer |
5. Le modèle « science-fiction »
Il s’agit du modèle idéal, prôné par de nombreux fournisseurs, pour qui plus un DSI dépense, plus cela crée mathématiquement de valeur. Mais ce principe simple, voire simpliste, ne se matérialise quasiment jamais dans la réalité, sauf peut-être pour des micro-projets dont le périmètre est bien défini et dont les paramètres sont parfaitement maîtrisés par les équipes.
| Avantage | Permet de dégager des budgets, surtout si le projet est initié par la direction générale |
| Inconvénient | La création de valeur observée incitera les métiers à demander toujours plus. Et un projet futur moins performant pourra être, en comparaison, perçu à tort comme un échec relatif |
| Phrase-clé des équipes projet | » Tous les indicateurs sont et seront au vert « |
| Recommandation pour créer plus de valeur | Reconsidérer les périmètres sur lesquels porte la mesure de la valeur et mesurer tous les gains d’usage |
6. Le modèle « engrenage »
Il arrive que ceux qui ont en charge les projets IT manquent de chance, que les chantiers qu’ils pilotent démarrent très mal, avec, pour la suite, une aggravation : plus on dépense, plus on détruit de la valeur. Lors du bilan, les équipes, souvent de bonne foi, argueront que c’est une situation trop injuste par rapport à d’autres projets qui, eux, ont parfaitement réussi, ou à des projets similaires dans d’autres entreprises qui, eux aussi, se sont déroulés sans accroc. Très souvent, les équipes chercheront à désigner un bouc émissaire, par exemple un prestataire incompétent, un sponsor absent, des cas de force majeure qui ont conduit à sur-dépenser ou, au contraire, à ne pas investir de manière judicieuse.
| Avantage | Capitaliser sur le retour d’expérience et le benchmarking par rapport à d’autres projets |
| Inconvénient | La carrière des responsables se trouvera handicapée |
| Phrase-clé des équipes projet | » C’est vraiment trop injuste, on a fait ce qu’on a pu « |
| Recommandation pour créer plus de valeur | Désinvestir au plus vite et repartir d’une feuille blanche |
