Stockage dans le cloud : utile mais pas sans précaution

Le cloud est devenu le vecteur privilégié de management des systèmes d’information. Selon IDC, les revenus des fournisseurs de cloud public ont progressé de 22,9 % en 2022, au niveau mondial. Et pour Gartner, les investissements dans le cloud représenteront près de 600 milliards de dollars. D’après l’étude Cloud 2023 du cabinet PWC, 58 % des dirigeants déclarent que leur entreprise a adopté le cloud dans la plupart ou la totalité des fonctions de l’entreprise.

Le cloud au quotidien

« Nous avons de plus de clients qui font tourner des applications de façon native dans le cloud », constate Stéphane Berthaud, directeur Systems Engineering France & North West Africa chez Nutanix, intervenu lors d’un débat organisé par le Club de la Presse Informatique B2B, qui a rassemblé les principaux acteurs du domaine. « Ce qui était peu faisable On Premise devient possible pour la plupart des cas d’usages. Les plus gros utilisateurs du stockage dans le cloud sont d’ailleurs les développeurs », confirme Philippe Charpentier, directeur technique chez NetApp France.

Le recours au cloud est à la fois un moyen de réduire la complexité et d’améliorer l’efficacité énergétique. « L’automatisation permet de gérer le manque de ressources et la complexité », estime Stéphane Berthaud. Pour sa part, Yoann Castillo, responsable Ingénierie Systèmes France et Afrique francophone chez Veeam,  estime que « le cloud est un outil formidable pour stocker, archiver et répliquer les données. Les entreprises consomment du cloud comme ils consommaient de la data On Premise. » D’autant que, rappelle Philippe Charpentier, « les deux-tiers des données créées ne sont jamais réutilisées, alors qu’elles restent stockées, ce qui entraîne des surcouts techniques et environnementaux, c’est donc pertinent d’optimiser chez un cloud provider. »

Le cloud, plus écologique que le On Premise ?

Côté écologique, selon Philippe Charpentier, « le PUE dans les datacenters français est en moyenne de 1,7-1,8, alors qu’il est plutôt de 1,10-1,15 chez les hyperscalers, leur efficacité énergétique est donc meilleure. » Rappelons que le PUE (Power Usage Effectiveness) est un indicateur destiné à mesurer l’efficience énergétique d’un datacenter.  Il est calculé en divisant le total de l’énergie consommée par le datacenter par le total de l’énergie utilisée par les équipements informatiques (serveur, stockage, réseau). Par exemple, un PUE de 2,5 signifie que pour 1 Watt consommé par l’informatique, il en faut 2,5 Watts à l’entrée du datacenter.

La complexité demeure

Cependant, les environnements cloud, en particulier le multi-cloud, nécessite de prendre en compte plusieurs points d’attention. Car, malgré les apparences, l’usage du cloud reste complexe. Le rapport 2023 sur la complexité du cloud publié par NetApp le confirme. Il révèle que 98 % des DSI ont été affectés par l’augmentation de la complexité du cloud dans le cadre de certains usages, ce qui peut entraîner des performances informatiques médiocres, des pertes de revenus et des obstacles à la croissance de l’entreprise. La plupart des responsables techniques (88 %) citent les défis techniques liés au travail dans des environnements cloud, comme la mobilité des données (33 %) et l’interopérabilité (30 %). Pour 50% des décideurs IT, il existe également des défis liés par exemple au fait de ne pas avoir une vision claire de leur stratégie cloud (32 %) et de la gestion des coûts (30 %).

Quatre points d’attention : gouvernance, data, sécurité, compétences

Les quatre points d’attention principaux concernent la gouvernance, la gestion des données, la sécurité et la disponibilité des compétences. « Sans gouvernance, aucune technologie ne résout les problèmes. », rappelle Stéphane Berthaud. C’est essentiel pour bien gérer les données. Pour Yoann Castillo, « les données relèvent de la responsabilité de l’entreprise, c’est un point essentiel à retenir pour gérer les data. » Des données qu’il faut bien sûr cartographier : « C’est compliqué d’établir une cartographie des données, surtout pour celles qui sont dupliquées plusieurs fois, c’est une difficulté dès lors que l’on souhaite une souveraineté dans le cloud », observe Stéphane Berthaud.

D’autant que les volumes de données sont souvent colossaux. « Souvent, dans le cloud, les volumes de données posent problème. Nous avons un client qui a lancé dans le cloud un POC pour un jumeau numérique du cerveau, mais, du fait des énormes volumes de données (plus de 32 To), il a vite atteint les limites », relate Vincent Barbelin, directeur technique chez Dell technologies France.

Il ne faut évidemment occulter les aspects sécurité. Selon une étude Cohesity, face à la menace omniprésente d’attaque par ransomware, 73 % des entreprises ne seraient pas en mesure de récupérer l’ensemble de leurs données, et dans 80 % des cas, il leur faudrait plus de quatre jours pour redémarrer leur activité si l’attaque était avérée. Ainsi, seul un DSI sur cinq (19 %) considère que les données stockées sur site sont sécurisées, contre plus d’un tiers concernant celles sur leur cloud et en périphérie.  Pour Jean-Baptiste Grandvallet, directeur technique chez Cohesity France, « le chiffrement des données est la base, y compris on premise, pas seulement dans le cloud. »

D’après Global Data Protection Index 2022Dell Technologies, alors que bon nombre d’entreprises investissent désormais prioritairement dans le déploiement ou la mise à jour d’applications basées sur le cloud public (50 % d’entre elles ont par exemple concentré leurs efforts dans le déploiement de leur applications de cloud public (IaaS) en 2022 contre 40% seulement en 2021), cette évolution n’est pas sans créer des doutes au sein de nombreuses organisations, au point que seuls 33% des décideurs IT disent avoir pleinement confiance dans le cloud public en vue de protéger l’ensemble de leurs données. « « Il y une très forte demande d’immuabilité, notamment pour se protéger contre les ransomwares. », confirme Philippe Charpentier. Vincent Barbelin rappelle que « la première préoccupation des entreprises et la protection des workloads dans le cloud. » Selon le Veeam Data Protection Trends Report 2023, les entreprises françaises prévoient d’augmenter leur budget de protection des données de 6,8 % pour renforcer leur cyber-résilience face aux ransomwares.

Cela fait suite à une augmentation des budgets due à un écart de disponibilité (« Availability Gap »), c’est à dire une différence entre la rapidité avec laquelle les entreprises ont besoin que leurs systèmes soient restaurables et la vitesse à laquelle les services informatiques sont en mesure de les remettre en état de marche, qui est passée de 80 à 67 %.  L’écart de protection (« Protection Gap »), à savoir la quantité de pertes de données acceptable et la fréquence à laquelle les services informatiques protègent ces données, est également en net recul et la proportion d’acteurs concernés est passée de 79 à 67 %. Malgré ces évolutions positives, 82 % des entreprises françaises ont été victimes d’au moins une attaque, confortant les responsables informatiques dans leur décision d’augmenter encore les budgets face à la menace endémique que représentent les ransomwares. Les conséquences de ces attaques sont particulièrement inquiétantes, puisque 39 % des données de production des entreprises interrogées ont été chiffrées ou détruites et à peine plus de la moitié (55 %) d’entre elles ont pu être restaurées.

Le déficit de compétences freine la création de valeur

Le quatrième point d’attention concerne les compétences : « Pour les PME, qui ne disposent pas d’équipes cloud dédiées à la différences des grandes entreprises, il faut une stratégie de montée en compétence », recommande Yoann Castillo. C’est ce qui explique en partie le fait que, selon une étude de PWC, 94 % des entreprises françaises éprouvent des difficultés à créer de la valeur grâce au cloud, 48 % des entreprises souhaitent développer leurs compétences en développement cloud natif et en cybersécurité en 2023. Hélas, selon l’étude PWC, 40 % des DSI et CTO déclarent que leur Comex pense que le cloud n’est qu’un sujet IT. Lors du débat du Club de la Presse Informatique B2B, Gabriel Ferreira, directeur technique chez PureStorage France, s’est voulu plus optimiste : « Heureusement, les jeunes générations sont nées avec le cloud », ce qui devrait favoriser la montée en compétences…