Symposium Gartner 2017 : ce qu’il faut retenir

Lors du dernier symposium Gartner, qui s’est tenu à Barcelone début novembre 2017, près de 300 conférences, illustrées avec environ 7 000 slides, ont permis d’aborder toutes les grandes problématiques qui concernent les DSI. Nous en avons retenu trois, qui concernent la transformation du métier de DSI, les préoccupations des directions générales et la valorisation de l’information.

1. Pourquoi les DSI devraient s’auto-licencier

« Si mon entreprise voulait me recruter à mon poste actuel, est-ce qu’elle me choisirait ? » : telle est la question que Andy Rowsell-Jones, vice-président de Gartner, suggère à tous les DSI de se poser. On s’en doute, la réponse n’est pas toujours positive. « Il est temps que les DSI aient le courage de se licencier avec leur casquette de DSI opérationnel et de se recruter en « IT business leader » », résume l’analyste.

Comment faire ? La première étape consiste à faire monter en compétences les équipes IT en qui les DSI doivent avoir toute confiance, puis, dans un second temps, à déléguer l’opérationnel. « L’objectif est de libérer du temps et des capacités mentales pour faire autre chose et se concentrer, par exemple, sur l’innovation ou la transformation numérique », précise Graham Waller, consultant chez Gartner.

Cela suppose de cultiver trois compétences clés, résumées par trois C : le courage, la communication et la crédibilité. Le courage correspond à cette volonté de « se licencier soi-même en tant que DSI opérationnel ». La communication va consister à simplifier le discours de la DSI, afin que ce qu’elle réalise soit compréhensible, clarifié, partagé, mis en forme avec des techniques de storytelling, sous de multiples formats.

« Avec trois principes : répéter, répéter, répéter les messages clés », conseille Graham Waller. Quant à la crédibilité, elle se renforce à la fois par « la production de résultats en terme de création de valeur pour les métiers et les relations étroites avec eux », estime l’analyste.

Andy Rowsell-Jones suggère de privilégier trois stratégies pour créer son nouveau job de CIO. Le premier volet consiste à préempter le numérique, qu’il s’agisse des technologies de rupture, de la cybersécurité et de tout ce qui relie les métiers et le digital. « Le digital est, comme disent les américains, devenu mainstream, et durablement », note Andy Rowsell-Jones.

Selon le CIO Survey 2018 de Gartner, 95 % des DSI anticipent le fait que le numérique va changer leur métier. Il va notamment falloir intégrer le déploiement de technologies, telles que les objets connectés, l’intelligence artificielle, la robotique ou les interfaces conversationnels. Selon Gartner, entre 2015 et 2018, l’usage des objets connectés dans les entreprises aura progressé de 80 %, celui de l’intelligence artificielle de 150 % et celui de l’impression 3D de 70 %. L’analyste conseille de se focaliser sur la cybersécurité, d’expérimenter des innovations numériques et de communiquer davantage sur les sujets et opportunités numériques.

Le second volet concerne la redéfinition du métier de DSI. « 95 % des DSI des entreprises les plus en avance ont déjà repositionné leur fonction », assure Andy Rowsell-Jones, qui suggère, une nouvelle fois, que « les DSI se transforment en directeurs métiers, en privilégiant l’agilité, ce qui influence l’efficacité opérationnelle, les marges ou le chiffre d’affaires ». Selon Gartner, les systèmes d’information ne constituent pas un obstacle à l’accélération de la transformation numérique.

« Les SI ne sont cités que par 2 % des entreprises comme la barrière la plus importante, à comparer à 46 % pour les difficultés à transformer la culture d’entreprise, 23 % pour le manque de ressources et de talents (13 %) », rappelle Gartner, qui suggère aux DSI de se fixer comme objectif, à terme, de consacrer au moins 50 % de leur temps en interactions avec les métiers et de se focaliser sur l’avenir en déléguant au maximum la gestion du présent.

Évolution de la structure des compétences des équipes IT

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Troisième stratégie pertinente : après avoir défini les contours du métier de DSI, il reste à les rendre concrets. Gartner suggère quatre actions principales pour y parvenir :

  • Saisir chaque opportunité, en particulier en mettant en place des équipes digitales, avec des compétences larges, multidisciplinaires et des responsabilités budgétaires. « Dans les entreprises les plus avancées, 82 % des équipes digitales ont des compétences IT et non-IT et 72 % sont responsables de l’ensemble de la transformation de l’entreprise », signale Andy Rowsell-Jones.
  • « Revitaliser » les équipes IT avec des compétences, telles que l’expérience utilisateur, la Digital Workplace, les APIs, l’architecture cloud, la gestion des fournisseurs, le management des risques, les algorithmes ou le Machine Learning… Ainsi, les profils hybrides vont devenir beaucoup plus nombreux dans les DSI, au détriment des généralistes ou des experts. Pour favoriser cette hybridation, plusieurs approches sont possibles : créer des équipes multidisciplinaires, recruter à l’extérieur de l’entreprise, favoriser la mobilité interne dans la DSI et avec les métiers, pratiquer le mentoring ou créer des centres d’excellence (Voir graphique page 2).
  • Renforcer les capacités de benchmarking, afin d’identifier et d’évaluer ce que font les autres organisations, en particulier celles qui sont les plus matures, y compris en matière d’acquisition de compétences sur les technologies en émergence.
  • Redéfinir le portefeuille de technologies : l’analyse des prévisions d’investissement pour 2018 montre que les entreprises vont privilégier la Business Intelligence, le cloud, le marketing digital et la cybersécurité, au détriment des infrastructures, des datacenters et des ERP. C’est également l’occasion de revoir les portefeuilles de projets, par exemple pour absorber des projets associés à des retours sur investissement hypothétiques.

2. Les priorités des directions générales : la croissance… et le SI !

D’après le CEO Survey de Gartner, les directions générales, dans un cas sur deux, subissent des pressions de la part de leurs actionnaires et des membres de leurs comités exécutifs pour accélérer la transformation numérique. Avec, à l’appui de cette injonction, le fait que c’est une source de croissance, mais aussi d’amélioration des marges qui, selon Gartner, se sont accrues dans une entreprise sur deux ayant procédé à des investissements dans ce domaine.

Chaque année, Gartner sonde les directions générales sur leurs priorités pour les douze mois à venir. La dernière enquête montre que celles-ci ont remis en bonne place (la deuxième) les systèmes d’information sur leur agenda (voir tableau), alors qu’ils ne figuraient qu’en cinquième position en 2016.

La priorité, constante depuis plusieurs années, reste la croissance du chiffre d’affaires, loin devant la réduction des coûts, qui arrive en huitième position en 2017. La croissance constitue donc un axe important de communication pour les DSI, la probabilité d’être écouté sera probablement plus élevée que pour les autres sujets…

Les priorités des directions générales : le retour du SI
En 2015 En 2016 En 2017
  1. La croissance
  2. Les technologies
  3. Les RH
  4. Les clients
  5. La finance
  1. La croissance
  2. Les clients
  3. Les RH
  4. Le Corporate
  5. Les SI
  1. La croissance
  2. Les SI
  3. Les produits
  4. Le Corporate
  5. Les clients
Source : Gartner Symposiums 2015, 2016 et 2017

3. Gérer l’information comme n’importe quel actif stratégique

Douglas Laney, consultant chez Gartner, qui publiera, début 2018, un ouvrage sur la valorisation de l’information (« Infonomics, how to monetize, manage and measure Information as a competitive asset ») sur lequel nous aurons l’occasion de revenir dans l’un de nos prochains numéros, recommande de gérer les données avec la même discipline que les autres actifs.

Rappelons qu’un actif a trois caractéristiques principales : il est possédé et contrôlé par un individu ou une organisation, il a une valeur d’échange sur le marché et sa valeur est susceptible d’augmenter avec le temps. Ce qui caractérise parfaitement des actifs financiers ou immobiliers s’applique également aux actifs immatériels, telles que les données et l’information. N’importe quelle entreprise possède des données, qui ont forcément une valeur, celle-ci s’appréciant régulièrement, on le voit par exemple avec les données sur les clients et leurs historiques d’achats.

Aujourd’hui, la valeur de l’information devient supérieure à celle des actifs financiers. Il suffirait de comparer la courbe historique du rendement moyen annuel des actifs financiers et celle de la capitalisation boursière des géants mondiaux qui ont basé leurs modèles sur une exploitation/valorisation des données pour s’en convaincre… Selon une analyse du cabinet américain Gartner, publiée début novembre 2017, la capitalisation boursière d’une entreprise qui exploite intelligemment ses données est trois fois supérieure à la moyenne des autres entreprises.

Ce décalage va s’accroître au moins pour trois raisons : d’abord, la création de valeur et de nouveaux modèles économiques issus de la valorisation des données, avec les promesses de la Business Intelligence, du Big Data et de l’Intelligence artificielle, est quasiment sans limite… Et même exponentielle !

Ensuite, la qualité des données constitue un levier puissant : le RGPD (Règlement Général européen sur la Protection des Données personnelles), applicable en mai 2018, va ainsi créer une prime aux entreprises les plus vertueuses, qui sauront capter la confiance de leurs clients. Enfin, à la différence de l’obtention de cash supplémentaire grâce à l’endettement (même en bénéficiant de taux d’intérêt peu élevés…), les actifs immatériels n’ont jamais besoin d’être remboursés à des créanciers !

Pour valoriser les données, Gartner suggère d’appliquer cinq principes :

  1. Gérer les données comme n’importe quels actifs physiques ou financiers, avec leurs problématiques de stock, de maintenance, de sécurité, de portefeuille d’actifs, d’allocation d’investissements, de formation, d’organisation, de recrutement de compétences, de conformité réglementaire…
  2. Identifier les différents types de valeur des données : valeur intrinsèque (qualité des données), valeur business (alignement par rapport à la stratégie), valeur de performance (pour les clients, les partenaires, les collaborateurs…), valeur de marché (prix de revente), valeur économique (contribution à la bottom line), valeur patrimoniale (coût de la perte des données)…
  3. Monétiser ce qui peut l’être, par exemple avec des services proposés aux clients, fournisseurs ou partenaires : ils sont certainement prêts à payer…
  4. Imaginer de nouveaux business modèles : il existe toujours des données, plus ou moins cachées, peut-être des pépites insoupçonnées, qui ne demandent qu’à être exploitées intelligemment.
  5. Faire vivre le capital de données en l’enrichissant en perma­nence (en volume, en qualité, en segmentation, en partage…), afin que sa valeur augmente avec le temps.

Les dix qualités d’un DSI leader

  1. Il agit comme un leader métier davantage que comme un leader technologique.
  2. Il pilote avec des indicateurs métiers (innovation, productivité, ROI) davantage qu’avec des indicateurs IT
    (délais de livraison des projets, SLA, coûts…).
  3. Il a une bonne vision des métiers de son entreprise et de son écosystème.
  4. Il recherche des compétences en dehors de l’IT (finance, marketing, digital…).
  5. Il a une intelligence émotionnelle et se focalise sur les compétences des équipes.
  6. Il privilégie une stratégie IT bi-modale.
  7. Il se caractérise par différents styles de leadership.
  8. Il promeut une culture adaptable à chaque orientation stratégique.
  9. Il adopte le principe selon lequel il faut se focaliser sur les innovateurs (les hommes), pas sur les innovations (les processus).
  10. Il a une mentalité « valeur d’abord » (qui est impacté par le SI, comment et pourquoi…).

Source : Are you a master CIO ?, Gartner Symposium 2017.