Symposium Gartner 2021 : ce qu’il fallait retenir

Le dernier Symposium annuel organisé par Gartner a abordé tous les grands thèmes de l’évolution des systèmes d’information, du rôle des DSI et des problématiques digitales. Parmi les 130 présentations d’analystes et les 3 500 slides associés, nous avons identifié les tendances clés à retenir.

Chaque année, Gartner publie une analyse des priorités des directions générales à un horizon de deux ans. Et chaque année, arrive en première position la croissance des entreprises, suivie des systèmes d’information, bien qu’en baisse. On notera, en 2021, l’émergence des considérations environnementales, des problématiques corporate, l’amélioration des produits et la gestion des ressources humaines. A l’inverse, on voit régresser les priorités liées à la réduction des coûts.

Pour Mark Raskino, analyste chez Gartner, les DG (un sur deux) vont maintenir le rythme de la transformation digitale de leurs organisations, mais un tiers vont accélérer sur ce terrain, pour seulement 14 % qui envisagent une pause. On retrouve ces considérations dans les intentions d’investissements, qui augmentent pour le digital, les systèmes d’information et les ressources humaines.

Ainsi, parmi les cinq priorités business des entreprises, le digital monte régulièrement en puissance, passant de seulement 2 % à 20 % en 2021. Les deux-tiers des entreprises ont accéléré leurs initiatives digitales en 2020 et 2021. Trois éléments doivent être pris en compte pour évaluer la performance du digital, estime Srinath Sampath, analyste chez Gartner : l’impact sur le chiffre d’affaires, sur les risques et sur les coûts.

Les directions générales plébiscitent également l’intelligence artificielle : en un an, le nombre de dirigeants qui estiment que l’intelligence artificielle est la plus à même d’impacter leur industrie à un horizon de trois ans a gagné plus de dix points (de 18 % à 29 %). Les autres approches (transformation digitale, e-commerce, cloud) sont, pour les DG, beaucoup moins influentes.

Autre vecteur stratégique : le cloud. Les entreprises estiment, dans leur grande majorité (près de sept sur dix), que le cloud est important pour réussir la transformation digitale. Pour Brian Hayes, analyste chez Gartner, « le cloud est un facilitateur du digital car il fait gagner en vitesse, flexibilité, scalabilité et réactivité. » Le cloud pèse, en moyenne, 14 % des budgets IT (contre 10 % en 2019 et 8 % en 2018) et le marché mondial progressera de 15 % par an à l’horizon 2024.

Toutefois, par rapport à la concurrence, les directions générales estiment que c’est d’abord la qualité des produits qui fait la différence (pour 26 % des DG), devant la maîtrise de la technologie (18 %), le digital (14 %) et la diversité des offres (13 %).

Les priorités des DG à deux ans (somme des trois premières mentions)
2021 2020 2019 2018 2017 2016
La croissance 47 % 55 % 53 % 40 % 58 % 54 %
Les systèmes d’information 36 % 45 % 32 % 31 % 31 % 24 %
Le Corporate 31 % 24 % 31 % 33 % 23 % 24 %
La finance 22 % 28 % 23 % 15 % 16 % 10 %
Les RH 25 % 19 % 21 % 28 % 16 % 27 %
Les clients 14 % 14 % 15 % 23 % 21 % 31 %
L’amélioration des produits 22 % 12 % 15 % 15 % 20 % 11 %
La gestion des coûts 10 % 14 % 12 % 9 % 11 % 13 %
L’environnement 10 %
La productivité et l’efficience 7 % 8 % 47 % 9 %
L’innovation 8 %
Le management des risques 6 % 6 % 7 % 7 %

La valeur de l’IT : un effort continu

Bonne nouvelle, les DSI sont majoritairement, et de plus en plus, vus comme des partenaires et des alliés de confiance par les directions générales et les comités de direction, tendance que l’on observe depuis plusieurs années et qui s’est poursuivie en 2021. Les DSI considérés comme des sous-fifres semblent être une espèce en voie de disparition, leur proportion s’est effondrée depuis 2019. La crise sanitaire est passée par là et il est probable que les métiers et les directions générales ont beaucoup mieux perçu que par le passé la valeur des DSI et des technologies.

Mais démontrer la valeur de l’IT est un processus continu. Pour Galliopi Demetriou, analyste chez Gartner, quatre leviers doivent être utilisés pour mieux communiquer sur la valeur de l’IT :

  1. Quelle est la valeur de l’IT et à qui profite-t-elle ? Elle peut s’exprimer, par exemple, dans la croissance du chiffre d’affaires, la réduction des coûts et des risques, par une amélioration dans les domaines environnementaux et sociaux… « Il y a trois conséquences à ne pas savoir démontrer la valeur de l’IT : si l’IT est considéré comme un centre de coûts, les budgets seront réduits ; si les métiers ne considèrent pas l’IT comme utile, ils développeront du Shadow IT et si les DSI ne sont pas intégrés dans les circuits de décision, les bénéfices ne seront pas maximisés et des solutions sous-performantes seront privilégiées », résume Galliopi Demetriou.
  2. Qu’est-ce qui est important pour les métiers ? Pour Gartner, les entreprises privilégient cinq indicateurs afin de mesurer la valeur : la disponibilité du SI, le niveau des budgets, le temps de résolution des incidents, la proportion de projets livrés dans les délais et le retour sur investissement. « Mais la valeur de l’IT doit être basée sur l’impact, pas sur l’effort nécessaire », ajoute Galliopi Demetriou.
  3. Comment l’IT peut faire la différence ? Cela revient à comparer les produits et services qui sont vendus à ce que les clients demandent et à transformer le SI en conséquence, par exemple avec l’optimisation du back office et des canaux de distribution, l’automatisation, le design, les objets connectés, la R&D…
  4. Dans quelles proportions ? Il s’agit de définir les bons indicateurs et de les partager. Pour Galliopi Demetriou, un bon indicateur a cinq caractéristiques : il influence la décision, il adresse une audience spécifique, il se focalise sur la valeur métier, il propose des indicateurs représentatifs et il incite à l’action.

Bref, la communication sur la valeur de l’IT, pour qu’elle ait un impact, doit être « pertinente, claire et crédible », résume Galliopi Demetriou. Il faut aussi, en matière de gestion de projet, savoir naviguer entre le rationnel et le politique. Pour Anthony Henderson, analyste chez Gartner, les biais sont de quatre types :

  1. La revendication territoriale : « C’est mon budget, c’est donc moi qui décide. »
  2. Le statut : on trouve le statut d’ancienneté (« Ça fait vingt ans que je suis dans l’entreprise, donc je sais de quoi je parle »), le statut d’expert (« J’ai trois MBA, donc je sais ce qui est bon pour l’entreprise »), le statut hiérarchique (« Je suis patron de la filiale, je sais ce qu’il nous faut ») et le statut d’invocation (« C’est important pour notre direction générale »).
  3. L’exagération : elle peut être positive (« Si on réalise tel projet, nous gagnerons beaucoup d’argent ») ou négative (« Si on ne réalise pas tel projet, nous risquons la faillite »).
  4. L’ambiguïté : elle peut être qualitative (« Cet investissement est stratégique et essentiel ») ou quantitative (« Tel projet nous fera gagner ou perdre tant d’argent »).
Évolution du positionnement des DSI vis-à-vis des Comex
2019 2020 2021
Allié de confiance 24 % 30 % 35 %
Partenaire 43 % 54 % 48 %
Fonction transactionnelle 16 % 13 % 10 %
Job à risque 17 % 3 % 1 %
Sources : 2021 CIO agenda, rebuilding the future (Gartner Symposium 2020). Gartners’s board of directors survey for 2022 (Gartner Symposium 2021).

Les budgets IT repartent à la hausse

Après un ralentissement de la croissance depuis 2018, les budgets IT vont afficher une croissance 3,6 % en 2022, presque deux fois plus que celle de 2021. Ce sera la meilleure performance depuis dix ans. On note peu de variations par rapport à cette moyenne : en 2022, la croissance la plus élevée (+ 3,9 %) concernera l’Asie, l’Europe est dans la moyenne et l’Amérique du nord affichera + 3,1 % de croissance.

Plus de la moitié des entreprises, au niveau mondial, anticipent une baisse de leurs coûts IT, dont 18 % de façon significative. Dans les budgets IT, le poids des Opex progresse légèrement : il est passé de 73 % en 2013 à 77 % en 2020. En parallèle, le poids des Capex a diminué d’un point en 2020, à 23 % des budgets.

Selon Gartner, les budgets IT progresseront le plus en 2022 dans les secteurs des transports (6 % en moyenne), de la distribution (4,9 %) et de la banque (4,3 %). Beaucoup plus que dans le secteur public (2,5 %).

Sur le terrain budgétaire, comme sur celui de la valeur, rien n’est gagné d’avance. Andy Rowsell-Jones, analyste chez Gartner, suggère de suivre six principes pour obtenir des rallonges budgétaires :

  1. Mesurer la « hauteur de la montagne » : s’appuyer sur les expériences passées, élaborer des hypothèses réalistes avec des variantes…
  2. Cartographier la route pour atteindre l’objectif, en particulier pour les aspects budgétaires.
  3. Influencer les parties prenantes (alliés et détracteurs).
  4. Formaliser sa position, en fonction de la valeur métier.
  5. Négocier (avec de l’entrainement pour assimiler les bonnes techniques).
  6. Consolider les compétences, en fonction des retours d’expérience.

La digital workplace devient incontournable

Les salariés qui sont satisfaits de leurs applications sont deux fois moins enclins à vouloir quitter leur entreprise, affirme Gene Phifer, analyste chez Gartner, pour qui plusieurs raisons expliquent la non-satisfaction des utilisateurs à l’égard de leurs applications, en particulier le fait que les fournisseurs ont proposé des solutions spécifiques, pas des suites intégrées, et que les utilisateurs sont contraints de jongler avec différentes applications pour accomplir leurs tâches. D’où des pertes de productivité et une moins bonne expérience collaborateur. Gartner suggère sept principes pour remédier à cette situation :

  • Se focaliser sur l’expérience collaborateur.
  • Comprendre ce que veulent les utilisateurs, par exemple avec une approche de type « voix du client ».
  • Aligner les initiatives concernant la digital workplace avec les besoins métiers (messagerie, gestion de contenus, collaboratif…).
  • Créer une architecture flexible, agile, extensible, ouverte et modulaire.
  • Inventorier les actifs existants et identifier les écarts.
  • Comprendre les stratégies des fournisseurs.
  • Élaborer une roadmap pour la digital workplace.

Car il faut gérer les volontés de revenir, ou pas, au bureau. Selon Gartner, 14 % des salariés veulent retourner au bureau à temps complet, 19 % ne veulent jamais y retourner, la majorité veut le meilleur des deux mondes. D’où la progression des modes de travail hybrides : 47 % des salariés seront dans ce contexte en 2022, contre 27 % en 2019. Il faut notamment gérer les différences générationnelles. Les jeunes générations sont les plus enclines à privilégier le télétravail, par rapport aux générations de type « boomers », dans un rapport d’environ un à deux. Rappelons que les boomers sont nés entre 1946 et 1964, la génération X entre 1965 et 1980, les millenials entre 1981 et 1996, et la génération Z entre 1997 et 2012. Les plus jeunes générations privilégient le mode hybride (52 % pour la génération Z contre 25 % pour les boomers). Pour Gartner, cela a un impact sur quatre éléments : la prise de décision, la manière de faire circuler l’information, celle de résoudre les problèmes et celle de constituer des équipes.

Selon Gartner, un environnement de travail centré sur l’humain a trois avantages :

  • Une diminution de 44 % de la fatigue des salariés.
  • Une hausse de 28 % des performances.
  • Une progression de 45 % des intentions de rester dans l’entreprise.

Évolution des budgets IT entre 2012 et 2022

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Comment les DG résolvent les conflits

Il existe plusieurs manières de gérer les conflits, pour les directions générales. « Aucune n’est mauvaise, sauf si elle répond à des considérations politiques », remarque Tina Nunno, analyste chez Gartner. Cinq approches sont privilégiées :

  • L’approche collaborative : la direction générale s’enquiert d’expertises et d’opinions sur le sujet, parmi ses managers. Cette approche peut poser problème si la DG ne tient pas compte des opinions ou si les équipes ne peuvent pas exécuter les décisions, par manque d’informations ou d’expertise.
  • Le questionnement, par exemple avec des données chiffrées. Cette approche peut occasionner des difficultés s’il existe un biais de confirmation (utiliser des données qui arrangent…) ou si les données sont de mauvaise qualité, trop ou pas assez nombreuses.
  • La définition de différents scénarios globaux qui guident les décisions. Cette approche peut s’avérer fragile si la DG fait des exceptions ou n’adhère pas à des scénarios considérés comme trop disruptifs.
  • Déléguer : il s’agit de donner la responsabilité aux managers de prendre une décision et d’en faire part à la DG. Cette approche peut poser problème si certains parviennent à imposer des décisions par la force et non parce qu’elles sont pertinentes, ou si des coalitions se forment.
  • Le recours à une expertise externe : cette approche fonctionne si l’expert est reconnu et agit avec discernement. Mais elle est risquée si l’expert devient « intouchable » ou s’il manque d’éléments pour analyser la problématique.